Re: Clément Maynadier

Txalaparte Ven 16 Aoû 2024 - 13:21

Reportage. Huîtres, travail et plaisir : la nouvelle vie de Clément Maynadier, devenu ostréiculteur

Devenu ostréiculteur, Clément Maynadier (ancien talonneur) mène un train de vie déchaîné. Nous l’avons accompagné au Cap Ferret, pour suivre son nouveau quotidien.

S’il y a une chose à admirer à 6h30 au Cap Ferret, c’est bien le lever du soleil en regardant le Bassin d’Arcachon. En ce début août, il fait tellement bon qu’il est obligatoire d’enlever la petite laine, pour garder sur soi simplement un t-shirt et un short. C’est dans cette tenue que deux hommes sont déjà au travail. Clope au bec, les gonzes ne prennent même pas le temps de profiter de la vue et fument leur tige sans utiliser leurs mains. "L’ostréiculture, ça fait cloper", prévient "Guitou", la quarantaine, entouré d’une dizaine de poches à huîtres derrière sa table en bois. Lui comme son collègue sont en plein tri. Trois cageots doivent être remplis d’huîtres selon les tailles, alors qu’une simple petite collision entre deux coquilles permet de savoir si elles sont vides ou non. "C’est sympa, hein ?, lance "Guitou" en regardant vers l’Est. "Bigoudi" ne devrait pas tarder, il n’est jamais en retard."

Actif tôt le matin

Sept heures pile, voilà que ledit "Bigoudi" arrive à la Canfouine, petit bar à huîtres situé au Canon. Short, t-shirt, sandales, Clément Maynadier, tout jeune retraité du rugby, dit bonjour à tout le monde puis part saluer Mathieu dans le restaurant, le propriétaire des lieux. Il revient quelques instants plus tard avec six cageots remplis d’huîtres. "Je vais les rincer, lance l’ancien talonneur, elles doivent être chez Rémi ce soir." Le néo-ostréiculteur parle de Rémi Lamerat, lui aussi ancien joueur de rugby, qui s’est reconverti dans la viticulture en récupérant un domaine près d’Yvrac. Ce vendredi soir, il organise une guinguette où sont attendues près de 250 personnes. Un événement important pour Clément Maynadier, qui commence à vendre ses produits depuis seulement quelques semaines.

Après dix-sept ans de carrière dans le rugby professionnel, le bonhomme s’est reconverti dans l’ostréiculture, en profitant d’une aide à la réinsertion proposée par Provale (le syndicat des joueurs). Malgré un diplôme d’ingénieur en aéronautique, celui qui ne peut pas vivre sans le travail a décidé de se lancer dans ce qui s’apparente comme un nouveau métier passion. "J’ai plusieurs formations à faire mais ça ne m’empêche pas de déjà travailler la semaine sur les parcs à huîtres en tant qu’employé, clarifie l’Albigeois d’origine, tuyau d’arrosage dans les mains. Le week-end, je travaille pour moi puisque j’ai une société de prestation qui fonctionne avec les entreprises qui m’appellent." Vient ensuite le comptage des douzaines, puis l’empaquetage. Tout se fait dans une cabane où, entre les paquets de cigarettes, un vélo de plage, des posters de mannequins et les bacs à huîtres, se trouvent sur les murs le drapeau de l’UBB et une photo affichant l’effectif de la saison 2013-2014.

Le rugby jamais très loin

Car oui, même si le voisin s’amuse à chambrer en hissant un drapeau du Stade toulousain, c’est bien Bordeaux-Bègles qu’on supporte ici. Ce n’est pas un hasard si Alain Moga, fils d’André, a été croisé dans le même endroit la veille. Une fois sa marchandise du soir prête, Clément Maynadier peut se concentrer sur le travail de la matinée. Avec "Guitou", direction le Bassin pour monter sur la barge ostréicole. Les chaussures adaptées sont enfilées, la crème solaire mise, et les gants tiennent trois bouteilles d’eau : cap vers le parc à huîtres tant que la marée est basse. Cinq minutes de bateau suffisent à rallier les fameux piquets de bois, qui servent à délimiter le parc. L’ancien rugbyman n’ayant pas encore le permis spécial pour piloter, c’est "Guitou", en fumant, qui s’occupe des manœuvres. Arrivé sur place, le passage est tellement exigu que Clément Maynadier saute dans l’eau pour guider la barge. L’eau lui monte jusqu’aux cuisses malgré la distance avec la plage.

L’objectif du jour est simple : il faut passer les poches à huîtres dans de l’eau brûlante à 60 degrés. "Nous faisons ça deux fois par an, indique celui qui compte plus de deux cents matchs avec l’UBB. L’objectif est de tuer les petites moules qui s’accrochent à la poche, sans pour autant abîmer les huîtres." Dans l’eau salée, avoir un passé de rugbyman professionnel aide. Car après avoir détaché les poches accrochées à des barres dans l’eau, Clément Maynadier soulève des poches qui pèsent entre 10 et 20 kg, pour les transmettre à "Guitou" sur le bateau. Ce dernier dont le physique sec et très bronzé traduit la dureté du métier, passe les poches dans l’eau, avant de les rendre à son solide partenaire.

"J’apprends tous les jours"

Ces gestes, il faut les répéter plusieurs dizaines de fois, afin de débarrasser les huîtres de leurs parasites. "De toute façon, j’avais prévu de perdre 10 kg", relativise l’ancien rugbyman. Et comme on ne fait jamais une seule chose à la fois, les barres en fer doivent aussi être nettoyées. Un vrai sport ! L’âpreté du labeur n’empêche pour autant pas l’amusement. "Guitou" rit en lançant les poches dans l’eau, afin d’éclabousser "Bigoudi", qui se tient tout près. Ce dernier est quelqu’un de très concentré dans le travail. "J’apprends tous les jours", avoue l’ancien international, n’hésitant pas à poser des questions à son collègue.

Pendant cinq heures, les deux acolytes s’occupent de leurs huîtres, freinés parfois par la montée de la marée et les vagues créés par les bateaux des plaisanciers. À côté, le voisin à bord de son "Eden Park II" fait la même chose. Il est déjà 13 heures, la marée monte, il faut rentrer. En bon employé, Clément Maynadier nettoie la cuve sur le bateau et rejoint ses collègues après un rinçage obligatoire. Petit verre de blanc rapide et le voilà parti chez lui pour s’occuper de sa marchandise avant de filer chez Rémi Lamerat en fin d’après-midi. Bien aidé par sa femme, il termine sa journée en vendant ses produits et en ouvrant des centaines d’huîtres. "Je me mets du strap parce que l’autre jour, ma main n’en pouvait plus après plus de 200 huîtres ouvertes en 30 minutes." Éprouvante mais passionnante, la journée s’achève dans la bonne humeur au coucher du soleil, au milieu de bonnes bouteilles et de bonne nourriture. C’est ça, la nouvelle essence de Maynadier.

**marchal** Lun 19 Aoû 2024 - 14:48

https://www.bordeaux-gazette.com/la-surprenante-reconversion-du-talonneur-de-l-ubb.html